caractère (sale et propre)

LOGOS (dire, penser, agir) : conclusions (le ski, les raquettes, le snowboard)

Posted in bric à brac philosophique, LOGOS (dire, penser, agir) by claude pérès on 13 avril 2009

Alain Cavalier – Ce répondeur ne prend pas de message

2005_1112_repondeurgC’est amusant de noter ici, maintenant, à ce moment précis de notre recherche, celui où nous concluons cette partie, où nous coupons le flux, provisoirement peut-être, certains de ces processus de rabattements qui jalonnent les percées philosophiques. Je pense au rabattement de Spinoza qui ne va pas, alors que tout semble l’y conduire, jusqu’à légitimer le meurtre, qui se refuse à faire ce pas, celui qui sans doute discréditerait toute son entreprise, croit-il, mais celui qui aurait mis un point final à ce biais qui éblouit la vue de ceux qui l’utilisent pour porter leurs regards, le biais de la Morale, cette logique pernicieuse qui décale tous les problèmes. Vous voyez la percée fabuleuse de Spinoza, l’enthousiasme qu’il met à créer des outils qui se débarrassent des questions morales, qui soulagent la pensée de telles impasses, et puis vous le voyez reculer, court-circuiter l’élan qui l’anime, se rabattre, interrompre les effectuations de sa percée en utilisant cette horrible notion de libre-arbitre comme colmatage. Sans doute faut-il aussi savoir ne pas conclure, laisser ouvert, respecter le cours des effectuations, accepter qu’il nous échappe. Je pense aussi au rabattement de Bergson, qui pressent, avec son intuition fulgurante, la nécessité de penser en mouvement, mais s’obstine, dans son essai, à sauver les sciences, à limiter la portée de son questionnement, à circonscrire, juguler. Pourquoi une telle timidité ? Pourquoi s’entêter à décharger une entreprise jusqu’à la rendre inoffensive ?

Il me semble avoir mis au point des outils qui mettent à mal l’organisation rationaliste de l’organisation, tant au niveau des courts-circuits et des décharges aliénantes d’un « individu » mis au pas de sens, réduit au statut de lettre, a, b, t, celle que vous voudrez, ou même d’ordure – la psychanalyse offre un spectacle abondant du massacre auquel le rationalisme se livre sur des corps impuissants, sans vie –, qu’au niveau de ses déclinaisons communistes, nazies ou capitalistes. Le mécanisme est un et unique : identifier/différencier, situer, stigmatiser, décharger, rabattre. J’ai proposé la puissance, comme cours d’effectuations, lame de fond, flux, qui s’échappe, pète à la gueule, gicle et jaillit et rend impuissantes, effondre toutes les tentatives humaines de prévisions et de contrôles. Je rappelle ici ce mécanisme que le structuralisme a porté à son paroxysme d’aliénation, ce mécanisme rationnel, logique, la binarité, disons la binarité tierce, qui veut que si ce n’est pas un homme, c’est une femme, si ce n’est pas mort, c’est vivant, etc… si ce n’est ni vivant, ni mort, c’est encore quelque chose, selon le principe du tiers exclu, pour dénoncer le renvoi indéfini désirant, ce qui est appelé la « chaîne signifiante » qui déporte des corps échoués, ballottés de termes en termes et court-circuite l’action rendue impuissante, d’une part parce qu’elle manque ce qu’elle vise, d’autre part parce qu’elle n’a plus comme possibilités qu’un terme caricatural et hydroponique et son négatif duel, c’est-à-dire des possibilités impossibles. Je juxtapose la lame de fond de la puissance d’effectuation. Je ne les relie pas, je ne les oppose pas, l’un peut très bien traverser l’autre. Et j’ai proposé la mortalité du mot, de l’idée, du corps. Je pense qu’en extrayant la mortalité des décombres d’un système qui désire croire à son immortalité, j’attaque le point névralgique. J’insiste : le mot, l’idée, le corps meurent, et c’est parce qu’ils meurent, parce qu’ils peuvent mourir, que la mort est une possibilité et une effectuation dans le cours des effectuations, qu’ils sont vivants, au moment de leurs jaillissements, chargés de toute leur puissance. C’est d’ailleurs pourquoi ils ne peuvent pas se renvoyer les uns aux autres, « interdépendre », et s’annuler.

Je pense qu’il me faudrait suivre le cours des percées que j’ai faites tout au long de cette année, me laisser porter, prendre sans doute le risque de me noyer. J’avoue ne pas me sentir à la hauteur de la tâche, même si je sens bien la chaleur du feu que j’ai dans les mains, toutes les pistes qui s’ouvrent maintenant devant moi.

Je voudrais pointer encore autre chose. J’ai mis au point des outils de fonction, d’afonction et de fongibilité. J’ai décrit des organisations qui survivent, des corps disparus dans cette survie, des fonctions qui insistent. Vous avez des organisations immortelles qui avalent des corps rendus fongibles, un délire qui recouvre le monde, le récupère pour le couvrir et le leurrer. Vous avez des corps qui se réduisent à des fonctions d’une organisation afonctionnelle, qui ne sert plus à rien, qui quitte le sol, se fait hydroponique, s’extraie de la tension puissante entre nécessités et possibilités. Je ne veux pas lisser ces outils, ni les rabattre, aussi peu maniables soient-ils. Je ne peux pas vous dire : il faut tout rendre afonctionnel, comme je ne peux pas dire non plus : il faut retrouver les fonctions, s’inscrire dans la tension entre nécessités et possibilités, ne pas les perdre de vue. Je ne peux pas rationaliser mes outils. A quel moment un corps trouve une vacuole de résistance en se faisant afonctionnel ? A quel moment une organisation s’effondre en tournant à vide, affolée dans sa néoplasie afonctionnelle ? A quel moment dans cette dérive autocrinienne, une fonction jaillit ? A quel moment un jaillissement afonctionnel hydroponique crée une nouvelle fonction et se fait fonctionnel ? Je laisserai ces questions ouvertes.

Je vais prendre un exemple idiot. Je vais prendre ces activités ahuries qui occupent les vacanciers dans les montagnes, qui sont appelées les « sports de glisse ». Il se trouve que, quand vous allez dans ces montagnes, les outils que sont les raquettes ou les skis, vous paraissent des inventions prodigieuses qui répondent avec une adéquation parfaite aux problèmes que vous allez rencontrer pour vous déplacer. Vous vous voyez rapidement vous enfoncer dans la neige ou glisser sans aucune maîtrise et le recours aux skis ou aux raquettes est de toute évidence indispensable. Vous pouvez même admirer l’astuce des gens qui se sont relayés pour les concevoir et les améliorer, à quel point, à ce moment-là, ils étaient au cœur de la tension nécessités/possibilités, utiliser l’outil, créer l’utilisation et l’outil. Qu’à un moment ces activités quittent le sol, qu’on aille jusqu’à concevoir cette chose parfaitement débile de monter aux sommets des montagnes sans aucune autre raison que les redescendre plus vite qu’on les a montées, pour remonter encore, etc…. Regardez l’organisation de l’activité, les remontées mécaniques qui polluent visuellement la blancheur de la neige, le damage de cette neige, toute cette préoccupation à perte qui se soucie de rendre la neige glissante ici, pour optimiser la vitesse des skieurs de descente, ou qui déploie toute son inventivité pour donner au ski une taille de guêpe, qui épouse mieux les rondeurs de la montagne et réduit le rayon des virages pour les skieurs de slalom… L’humanité n’est jamais aussi inventive que lorsqu’elle agit à perte pour le simple plaisir de s’abrutir. C’est là tout le loisir de son luxe, qu’il lui soit possible, en créant l’utilisation comme l’outil, que toute son activité ne serve désespérément à rien. C’est incroyablement délicieux. Je note simplement deux points que cette organisation de l’organisation soulève : d’une part, c’est rationalisé, avec la spécialisation, avec l’identification/différenciation, ça tourne à vide, avec l’obsession compulsive de la mort et la répétition castrée qui ordonnent l’activité, d’autre part, éloignée à ce point de la tension nécessités/possibilités, l’activité devient axiomatique, ça pose des hypothèses comme des acquis sur lesquels personne ne revient plus, ça admet toutes les absurdités et surtout, ça limite l’action humaine à ce qui est prévisible et prévu, c’est-à-dire ça cantonne l’humanité dans le monde délirant et illusoire qu’elle se fabrique. La fonctionnalité et l’afonctionnalité soulèvent des questions qui sont rabattues et colmatées par des axiomes. Et ce n’est pas que cette activité ne serve à rien qui rend la pratique du ski débile, regardez l’art, alors, c’est même ce qui le définit dans cette société qui définit tout, qu’il ne serve à rien, c’est ce qui l’identifie/différencie de la mode ou du design par exemple, qui fabriquent des objets qui finissent par trouver une utilité, non c’est que ça soit étouffé par des axiomes.

Au-delà de toute la technique philosophique que j’ai déployée, dans laquelle vous pourrez vous amuser à voir que j’ai progressé, que ma pratique s’est faite plus fluide, plus précise au cours de cette recherche, jusqu’à rendre les premiers textes assez naïfs, j’aimerais insister sur ceci : qu’il y a forcément un parcours humain qui est décrit, un rapport à la vie. Je continue à penser que la réalité est forcément plus joyeuse que tout ce qu’on peut imaginer, que ça pète à la gueule, que ça travaille, que ça suive un cours qui reste à jamais imprévisible et incontrôlable, c’est bien ce qui fait la réalité une puissance d’effectuations et de jouissance. J’ai voulu agresser les sciences qui veulent organiser la perception et la prévision en dénonçant leur articulation rationaliste et superstitieuse, qui ne perçoivent que leurs perceptions et prédisent des prévisions incantatoires et hallucinées. L’organisation scientifique de l’organisation n’est pas fiable, qui repose sur des croyances. Déjà, je m’amuse de voir qu’un pan entier de sa méthode, ordonner, identifier/différencier est mis à mal par les outils que nous avons dans les mains aujourd’hui, ces outils rhizomatiques que sont les moteurs de recherche qui rendent parfaitement loufoque et archaïque le soin que les scientifiques mettent à classer. Mais enfin, c’est tout le rapport au monde d’un système qui le nie pour en fabriquer un autre dans lequel le pouvoir imaginaire sur lequel il mise tout, le mot rationnel, a un pouvoir, c’est cette idée délirante de tout miser sur quelque chose qui pousse l’humanité à ne pas admettre que sa mise est perdue, qu’elle a tout perdue, qu’elle est finalement impuissante, que je dénonce. Et, mise à part le calme, la simplicité, la confiance qu’il y a à mettre au point un rapport puissant et joyeux au monde – les effectuations qui me travaillent me regardent, je ne suis pas un prêtre – la nécessité que j’éprouve à, disons, calmer le jeu et foncer dans le tas, fait que je n’ai certainement pas fini.

organiser l’organisation : la crise rationnelle

Posted in bric à brac philosophique, LOGOS (dire, penser, agir) by claude pérès on 21 mars 2009

David Hockney – Place Furstenberg

hockneyfurstenberg-paris Alors bien sûr, avec la néoplasie hydroponique, en créant non seulement l’utilisation mais l’outil, il va falloir organiser l’organisation. Des nécessités, il y en a de plusieurs ordres… On pourrait dire, comme ça, à l’intuition, qu’il y a quelque chose contre la croyance et la superstition, que le rationalisme va s’élaborer afin de se faire plus précis, plus fiable, plus viable. Ca a l’air de ça vu de loin, une immense activité digne de confiance, digne tout court. Pourtant, si on regarde les mécanismes de cette activité, son air est tout différent. C’est que le rationalisme est une superstition, les sciences s’organisent dans la croyance. Cette activité érige des totems (la survie de mort, des êtres-morts…) et biaise ses résultats. Ce qu’il faut voir c’est plutôt qu’est-ce qui fait qu’une superstition va se substituer à une autre ? On est au niveau des fonctions là. Que cette superstition se présente comme une anti-superstition, ce n’est déjà plus du tout notre problème. Alors la superstition rationaliste, il s’agit de la regarder à l’œuvre. Je ne m’attendais pas du tout à prendre ça par ce bout, du coup je ne sais plus du tout ce que je voulais dire au départ. Enfin continuons sur cette piste…

Le mécanisme génomique du rationalisme et des sciences, il me semble qu’on l’a assez vu avec toute cette histoire d’intentification/différentiation et de rapports différentiels et situationnels. Le rationalisme établit, fixe et ordonne, il exsude une survie de mort référentielle et totémique et situe toutes sortes d’éléments épars, des perceptions, des mots, des pensées, ou plutôt il situe des simulacres de perceptions, mots et pensées auxquels perceptions, mots et pensées échappent déjà. Le rationalisme donc n’organise pas le monde mais bien l’organisation du monde. En cela, le rationalisme et les sciences constituent une tyrannie avec toute l’impuissance folle de l’entreprise.

Que l’entreprise se boursoufle, qu’elle se répande, se propage, contamine, avale et vomisse tout, qu’elle recouvre le monde, qu’elle le soumette à sa volonté désirante, ça n’est pas pour les effrayer, ni elle, ni le monde, semble-t-il. Que l’animal humain croit que le monde fonctionne comme sa parole, quand sa parole ne parle jamais que d’elle-même, même quand elle parle du monde, c’est toute la saveur de son délire. Mais peu importe. Il faut la voir se propager, cette entreprise. Vous pouvez prendre n’importe quel exemple, la croyance de ce système c’est que rien ne lui échappera plus, alors il est infiltré partout. Prenez la division du travail, cette activité qui occupe l’humanité depuis toujours. Regardez Xénophon, persuadé déjà que la spécialisation est la condition de l’excellence. Vous avez Durkheim qui en décrit précisément les mécanismes, avec tout son enthousiasme. Et les mécanismes, nous les connaissons donc : survie de mort, êtres-morts, rapports situationnels. Ca va aller jusqu’à Marx, donc, qui ne conçoit plus les corps que comme des instruments de la survie de mort commune. Le communisme, c’est l’apogée du délire rationaliste, après ça s’affole avec le capitalisme. Avec le paroxysme du néo-libéralisme, vous allez au-delà des rapports différentiels ou de la division du travail, vous allez jusqu’à l’interdépendance, délicieux paradoxe pour un système qui tire son nom de la notion de liberté, où plus aucun pays ne cultive de quoi se nourrir, mais s’inscrit dans un rapport d’échange qui le spécialise dans la production de telles choses et le rendent dépendant des autres pour tout le reste. Nommer, identifier-spécialiser, différencier-interdépendre, l’imprégnation est autocrine. Le rationalisme se fabrique lui-même.

Vous allez me dire que nous n’en sommes plus à ces histoires de brindilles et de cailloux des singes, à ces utilisations balbutiantes et précaires, que la sophistication de l’activité humaine est telle, qu’il a bien fallu organiser l’organisation, qu’on ne s’y serait pas retrouvé, que c’est même l’organisation de l’organisation qui a permis d’aller encore et toujours plus loin, etc… Classer, ordonner, spécialiser : identifier/différentier/situer. Là j’hésite à répondre. Il se trouve que le mécanisme rationaliste est parfaitement dépassé, archaïque et obsolète. On est passé aux chaînes, puis aux rhizomes… Le rationalisme n’a déjà plus aucun intérêt. Les pays peinent à résister à la lame de fond qui les emporte déjà. Mais je vous dirai quand même, tandis que le système rationalisme se voit balayé, en insistant donc, que son mécanisme est plus efficace à mettre au pas qu’à atteindre ce qu’il vise, qu’en se livrant à cette occupation d’isolations, de courts-circuits, qui épingle et fixe, réduit à rien, à un mot, une perception, une idée, un métier, une personne…, l’immensité d’un voisinage, il n’est bon qu’à halluciner un monde qu’il fabrique pour recouvrir le monde dans lequel il se condamne à être impuissant.

Je vais attraper au vol un des gènes qui dupliquent indéfiniment ce système, le concept d’être, qui est au cœur de la superstition rationaliste. Vous allez pouvoir l’appeler comme vous voulez, l’être, donc, mais encore l’identité, la qualité, le prédicat, la singularité, l’essence, etc… Je crois ne pas avoir fait que le dénoncer, je crois avoir proposer des mécanismes qui lui passent dessus, qui rendent possible de ne plus du tout prendre les choses par ce biais d’être : le voisinage, qui explose les termes d’identité et de singularités, en ce qu’il devient impossible de fixer un curseur, et la puissance qui pulvérise les termes d’être et d’essence par une organisation accidentelle, effectuée et effectuante, et mouvante.

Nous sommes là, avec dans les mains un mécanisme qui ne correspond plus à rien, qui ne répond plus de rien, qui n’en peut plus, dans un monde tue. La lame de fond continue de s’effectuer, emporte les fondements d’un système qui a fait son temps. Regardez ces sociétés ne plus pouvoir s’organiser, se démener pour tenir bon, gagner du temps, démunies, affolées devant l’épuisement d’un mécanisme qui semblait pourtant fonctionner jusque-là.

Nous voilà donc nous aussi, comme le rationalisme en son temps, débordés par des choses qui nous dépassent et ne semblent pas vouloir se rejoindre : ici la néoplasie hydroponique, là la puissance d’effectuations, ailleurs la survie de mort, plus loin le corps sans fonction. A ce moment, je dois le dire, on ne peut plus avancer, on bute, on achoppe. Nous faut-il nous aussi organiser l’organisation ? Je ne suis pas sûr que vous mesuriez le péril qu’il y a à faire un pas de plus. Qu’est-ce qu’on fait ? On s’arrête ?

J’ai fait une pause. Elle a duré plus de 10 jours. C’est pourtant comme si je venais simplement de boire un café. Enfin bon, bref, nous sommes là alors avec des leviers, des outils, des possibilités que l’on a faites sortir de la terre, que l’on a saisies et qui ne s’articulent pas entre elles, qui ne s’organisent pas. Il faut voir que nous touchons-là à quelque chose au niveau de ce qui est appelé le pattern par les psys, un pattern mental qui veut que la néoplasie hydroponique tende « naturellement » à s’articuler comme le différentiel de la réalité ; l’impuissance du désir autocrinien comme celui de la puissance ; la survie de mort, celui du corps sans fonction, etc… Vous devez peut-être même avoir déjà fait des liens depuis le temps qui voudraient qu’on aurait dans notre recherche tout un pan négatif qui dénoncerait un monde voué au délire et par ailleurs tout un niveau positif où l’on trouverait des histoires de puissance ou de voisinage comme de « nouveaux » outils que l’on proposerait. Ce ne serait jamais qu’une histoire de thèse et d’antithèse, un déroulé logique fait de parties qui se répondent et se renvoient les unes aux autres.

Je vous demande de pressentir le ravin devant lequel nous sommes. Voilà plus d’un an que nous perçons dans la roche. Nous ne pouvons plus avancer. Car ce pattern de rapports différentiels et logiques, nous le dénonçons. La réalité ne peut pas être l’opposé duel, ni le contraste de la néoplasie hydroponique ou du désir autocrinien. A quel moment on est encore dans la réalité ? A quel moment on est déjà dans l’hydroponie autocrine ? Vous voyez le flou évanouissant du voisinage. Mais même, au-delà de ces évolutions glissantes et indéfinies, la néoplasie hydroponique est la réalité, elle est effectuée et effectue, elle est puissance et en puissance. Départager, classer, identifier, relier, c’est commode, ça rendrait nos outils maniables et organisables, mais ça les rabat, les amenuise, les vide. On ne peut pas ranger l’hydroponie dans la case délire imaginaire contre la case réalité, ce serait pratique, mais ça ne peut pas marcher, ce serait délirer le délire hydroponique, l’escamoter, le prendre au mot, se faire rattraper par des notions de qualités et d’être.

Nous disons que le système est mal organisé, qu’il ne peut plus, qu’il échoue. Nous devons créer les mots et l’utilisation des mots pour le dire, les outils et l’utilisation des outils.

Il nous faudrait faire un très grand pas. Enjamber l’être et le néant. Faut-il encore en trouver la force.

Protégé : sociétés et compromis

Posted in bric à brac philosophique, LOGOS (dire, penser, agir) by claude pérès on 15 Mai 2008

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la fongibilité d’un être-mort

Posted in bric à brac philosophique, LOGOS (dire, penser, agir) by claude pérès on 14 février 2008

Boris Charmatz Herses (une lente introduction)
undefined Vous avez ce corps puissant, ce corps fonctionnel, ce corps qui déploie des mécanismes pour s’organiser entre nécessités, jusqu’à la nécessité du non-nécessaire, et possibilités, jusqu’à la possibilité de l’impossibilité.

On peut rentrer dans le vif du sujet, on peut prendre un exemple, on peut prendre un idéal, n’importe lequel, les idéaux sont interchangeables en ce qu’ils fondent, c’est-à-dire ils posent, liquéfient et s’abattent sur le monde, les choses et les êtres dans leur fongibilité, on peut prendre l’idéal de la mort, parce qu’alors le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est à vif.

Qu’est-ce que c’est la mort ? A quoi ça sert ? A quoi ça peut servir ? La question est énorme, parce que précisément la mort, c’est le point d’achoppement, ce sur quoi bute un corps qui est voué à fonctionner, en ce que la mort, c’est ne pas fonctionner du tout. Déjà, on peut dire que la mort n’existe pas. On peut dire que la mort ni n’existe, ni n’existe pas, que la question ne se pose pas en ces termes. Il faut la prendre par tous les bouts, c’est évidemment très délicat. Elle se dessine par effectuations. Vous avez cette puissance d’effectuations du corps voué à s’organiser et à fonctionner qui non seulement utilise les choses, mais encore fabrique des utilisations de choses et même fabrique des choses d’utilisations. Ce n’est pas rien, c’est l’activité la plus joyeuse, la plus jouissive du monde. Vous voyez ce corps se souvenir, tirer des leçons, déduire, prévoir, il faut voir ce que c’est s’organiser, c’est aller à la marge, la marge de manœuvre entre ce qui est nécessaire et possible, c’est saisir les possibilités et rendre possible. Et puis dans les effectuations de ce corps, il y a mourir, c’est-à-dire ne plus fonctionner. Alors là on touche un nerf, un point sensible, un nœud. Vous avez la mort comme effectuation de puissance. C’est-à-dire vous avez toutes les effectuations que votre organisation génère, ce que vous rendez possible, les échos de ce que vous rendez possible, ce que vous pouvez déduire et prévoir, comme ce qui surgit de façon imprévue comme conséquence, et puis vous avez la mort, qui peut surgit aussi, qui surgit de toutes façons, comme conséquence, conséquence d’un accident, d’un acte, d’une maladie, etc. Vous allez même pouvoir la prévoir et la déduire, vous allez même pouvoir organiser des parades, mais vous allez quoi qu’il en soit buter sur la mort.

La mort est donc une effectuation de puissance, puisque, évidemment, si vous ne vivez pas, c’est-à-dire si vous ne vous organisez pas, et je ne parle pas de s’organiser à ne pas s’organiser, parce que c’est s’organiser quand même, bien sûr vous ne mourez pas. Et la mort est une effectuation en puissance, puisque vous pouvez vous organisezrcomme vous voulez, vous allez mourir, c’est-à-dire que votre organisation va avoir comme conséquence la mort ou vous allez vous organiser avec la mort comme conséquence de l’organisation d’un virus ou de l’organisation d’un meurtrier ou… etc. Là on est précisément entre nécessités et possibilités, marges, marges de manœuvre. Là vous avez quelque chose qui défie votre organisation. Vous n’avez pas le contrôle absolu, parce que le contrôle absolu, ce serait de ne pas mourir, mais vous n’êtes pas non plus impuissant, non pas tant parce que ce qui ne tue pas rend plus fort, non, mais parce que simplement c’est parce que vous êtes puissant que vous mourez, et même vous mourez de toute votre puissance.

Je ne suis pas dans la conception de la mort là. Je regarde comment ça s’organise, comment ça marche, comment ça peut marcher. Je ne parle pas d’un duel dans lequel la mort et la vie tendent à se donner tort, il est très beau ce combat, mais c’est une parade imaginaire. Ce qu’il faut voir, c’est un corps voué à fonctionner qui ne fonctionnera plus du tout. Ce qu’il faut voir, c’est que ne plus fonctionner du tout, pour ce corps, est une effectuation. Et ce qu’il faut voir encore, c’est que tant qu’il fonctionne, il fonctionne très bien, ce corps, il s’organise de toute sa puissance. On ne fait pas l’expérience de la mort, par exemple. Quand vous êtes malade, accidenté, intoxiqué, blessé, heurté, ce que vous éprouvez, c’est la puissance de votre corps. On ne meurt pas facilement. On tient, on résiste, on lutte. La puissance, c’est un déploiement, un déferlement, un déchaînement, c’est le corps qui hurle inlassablement de toutes ses forces, et même si ses forces s’amenuisent, et même s’il s’épuise à hurler, et même si son hurlement est un murmure sourd, un râle et encore un dernier souffle, il hurle, il hurle jusqu’à ne plus hurler du tout.

Vous voyez que la question de la mort ne se pose pas, puisqu’on ne l’expérimente pas, que ce qu’on éprouve, c’est de toutes façons la vie, que la mort, c’est une expérience de vie, on vit la mort.

Alors vous avez ce point d’achoppement, ce défi organisationnel d’un corps voué à s’organiser et à fonctionner à ne plus fonctionner du tout. Et puis vous avez un autre point d’achoppement si vous prenez ça par le bout de la survie de l’espèce. Vous avez ces corps qui s’organisent et qui meurent, je ne dirais pas qu’ils sont voués à la mort, je suppose qu’on pourrait le dire, mais j’ai des raisons précises pour ne pas le dire encore, pas comme ça, et vous avez une espèce qui, elle, en tout cas, est vouée à être immortelle, qu’elle le soit ou non, que le monde meurt et qu’on n’en parle plus ou non. Là on est dans d’autres mécanismes, dans d’autres articulations parce que si vous concevez la survie de l’espèce, si même vous pensez la survie de l’espèce, alors ces corps certains de mourir sont déjà morts d’être fongibles. C’est que la survie de l’espèce n’est pas à un individu près, que les individus sont interchangeables, qu’ils sont pris dans leur fonction de se reproduire et de ne pas s’entretuer et que cette fonction est remplie par des corps morts d’assurer la survie de l’espèce. Vous entendez ce que je dis là : la survie de l’espèce, ce n’est pas autre chose que la mort de ses organismes, de ces corps voués à s’organiser. Et ces corps, s’ils portent la mort en eux, s’ils sont voués à mourir, s’ils sont même déjà morts, c’est de se reproduire, de s’organiser à ne compter pour rien, à disparaître, à avoir déjà disparu. Vous voyez le court-circuit : une puissance de vie qui s’organise à, non pas mourir, mais à être morte. Etre, ce truc énorme-là, cet absolu, cette ontologie, être, c’est ne pas être, être, c’est être mort. Ce corps voué à s’organiser et à fonctionner jusqu’à mourir, jusqu’à ne plus fonctionner, est un corps sans fonction au regard de la survie de l’espèce dès lors qu’elle est assurée. C’est là que se pose la question de l’être, là que se pose la question de la mort, puisque c’est une seule question que pose et qui pose cet être-mort.

Là, on est au point de croisement, au point d’articulation et de jointure, au pli, au gond du problème du but, de la génération ou la dégénérescence de sens, du corps sans fonction, de l’être-mort, des échos d’effectuations de puissance, des rapports situationnels et encore du pouvoir magique de contrôle absolu – la logique, c’est encore de la magie –. Il faut voir que, pour un corps voué à s’organiser, la survie de l’espèce et la mort sont des questions qui se rétractent à son organisation. Il faut voir que ce sont des champs impossibles à investir, que de la survie de l’espèce et de la mort, un corps voué à s’organiser ne peut rien faire, qu’il est même mis en échec dans sa vocation à s’organiser, en ce que la survie de l’espèce et la mort sont inorganiques, points morts, forces d’inertie tout autant qu’il est lui-même inorganique, c’est-à-dire sans organe, point mort, force d’inertie comme corps sans fonction, être-mort de la survie de l’espèce en tant qu’instance de sa propre mort. Là vous devez sentir le rapport s’établir entre un corps puissant et son impuissance de la survie de l’espèce, c’est-à-dire donc de la survie de sa mort. Vous avez des échos d’effectuations d’un corps puissant et des échos d’effectuations de la survie de l’espèce qui se longent en restant forcément réfractaires les uns aux autres : une puissance organisationnelle qui ne peut pas investir le champ de sa mort, qui s’organise dans la marge, qui ne fait rien de sa mort, parce qu’il n’y a rien à faire et une machine organisationnelle qui survit indépendamment de la mort de ses membres. Vous voyez que ça n’a rien à voir, c’est complètement indépendant, parfaitement étranger, incommensurable, sans commune mesure, sans mesure aucune. Ca pourrait se longer comme ça toujours sans jamais se soucier les uns des autres autrement que par effectuations annexes : des corps puissants d’échos d’effectuations et parmi ces effectuations, la survie de leur espèce, et une espèce dont la survie effectue des échos, offre des possibilités dans les organisations de ses membres, par exemple la solidarité. Et c’est dans le rapport à la mort que va s’articuler la jonction impossible entre le corps puissant et la survie de l’espèce. Le rapport à la mort de la survie de l’espèce, le rapport à la mort du corps puissant, deux rapports qui pourraient ne rien avoir à voir, mais qui coïncident et se contaminent. C’est le rapport à la mort qui va faire exister le corps puissant et la survie de l’espèce l’un par rapport à l’autre, les établir dans une interdépendance aliénante et folle d’existence, où le corps puissant par rapport à la survie de l’espèce est être-mort et où la survie de l’espèce par rapport au corps puissant est la survie de sa propre mort. J’insiste sur ce point que c’est le rapport à la mort le contage, et non la mort elle-même, car la mort n’existe pas, la mort est inutile, réfractaire, de la mort, on ne peut rien faire. C’est un rapport que pose le problème de la mort. Concevoir la mort, c’est établir un rapport qui fait exister la mort pour se faire soi-même exister comme mort.

J’aimerais que vous mesuriez l’immensité époustouflante de ce corps voué à s’organiser qui va aller jusqu’à organiser l’inorganique et l’impossible, qui va s’épuiser, se tuer, se faire mort, pour ne rien laisser hors de sa portée. Vous ne pouvez pas ne pas ressentir l’éblouissement de cette tentative affolée.

Vous voyez que je ne suis pas dans des questions d’origines, que je ne cherche pas de causalité, de cause ou de but, je regarde des mécanismes, des articulations, des opérations et des combinaisons, je regarde comment ça fonctionne. Cela veut dire que je ne dis pas que le corps puissant va concevoir la survie de l’espèce comme parade à l’hypothèse de sa mort ou que de sa conception de la survie de l’espèce va surgir l’hypothèque de la mort. Je dis qu’il y a une hypothèse hallucinée de la mort, une survie de l’espèce comme survie de la mort et un être-mort. Je les vois s’articuler, se répondre et se correspondre, s’effectuer et se contre-effectuer dans des rapports situationnels qui les condamnent à être interdépendants.

Je passe par un autre chemin encore. J’attrape un autre bout. Celui de la parade idéale, de l’hypothèse/hypothèque de la mort. Donc vous avez un corps puissant qui est un corps sans fonction, un être mort et une survie de l’espèce qui est survie de mort. Vous devez sentir l’impuissance de ce corps face à la survie d’une espèce immortelle qui constitue l’hypothèse de sa propre mort en tant qu’il lui est dispensable, anecdotique et fongible, déjà mort donc. Un corps voué à fonctionner sans fonction. Vous devez voir que la question de l’être pose ce corps en tant que mort. Vous devez mesurer l’énormité affolante, la violence sourde, l’épouvante de la chose. Je suppose que vous pouvez concevoir un corps paralysé par la peur. Vous savez peut-être que c’est une parade de survie, en ce que les prédateurs carnivores sont sensibles aux mouvements, s’immobiliser, c’est quasiment disparaître à la vue du chasseur. Vous avez donc un être-mort paralysé devant la survie de mort, atterré par les échos d’effectuations qui lui échappent, au regard desquels il ne compte désespérément pour rien. Vous avez la mort surgissant par effectuations que vous pouvez prévoir, déduire, contre laquelle vous pouvez dégager des marges, mais sur laquelle vous allez finir par buter et là vous avez une hypothèse de mort qui va hypothéquer absolument tout, dès lors qu’elle vous fonde en tant qu’être. En d’autres termes, c’est dans l’ombre de la mort que le corps puissant voué à fonctionner va s’établir à ne plus fonctionner, c’est en tant que déjà mort qu’il va vivre. L’hypothèque de la mort, c’est une contagion, une propagation hallucinée. La question de l’être, du but ou du sens de la vie, du contrôle absolu immortel, ne peut se poser qu’à ce corps voué à fonctionner comme corps sans fonction dont la vie n’est plus qu’une errance dans ce désert stérile sous l’ombre de la mort. Vous voyez je suis très calme, j’insiste beaucoup, j’avance très doucement là.

Il faut voir un être-mort qui maintient une survie de mort en étant-mort, une survie de mort qui maintient un être-mort en étant la mort des êtres. Il faut voir comment un être-mort va s’effectuer, alors qu’il n’en peut plus de disparaître, d’avoir déjà disparu, qui va se fonder dans la fongibilité qui le fait disparaître et en même temps le rend immortel. Vous voyez la tension de cet être qui disparaît d’être et est de disparaître, cette tension, c’est son immortalité. Car l’être-mort est immortel de survivre de sa mort. L’être-mort ne peut pas mourir : il est déjà mort, disparu, hypothéqué.

J’aimerais vous faire sentir la défaite de ce court-circuit dans lequel le corps échoue, est mis en échec et dérive.

Protégé : le corps sans fonction

Posted in bric à brac philosophique, la mort de la mort de la philosophie by claude pérès on 13 décembre 2007

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